Dans cet article court mais technique et précis on va parler de la perspective appliquée à la photographie : on va voir notamment le lient entre point de vue et perspective, on va aussi parler de la perception des lignes verticales et horizontales en fonction du point de vue (et comment les redresser), et enfin on parlera de distorsion, de déformations et de proportions.
En avant Guingamp !
Angle de prise de vue, point de vue et perspective
Le point de vue détermine la perspective d’une photo et ainsi l’apparence d’un objet, ses proportions et son interaction avec l’arrière-plan.
En photographie, le point de vue dépend de
- la position en hauteur et en largeur de l’appareil photo par rapport au sujet,
- la distance appareil photo-sujet,
- l’angle de prise de vue (angle horizontal et vertical) de l’appareil photo par rapport au sujet.
Ainsi, l’angle de prise de vue influence le point de vue. Et le point de vue de l’appareil photo va influencer la vision des lignes et donc de la perspective de la photo. En effet, comme on va le voir dans la suite de l’article, la perspective est une histoire de perception des lignes.
Lignes verticales et perspective
Notre réflexe naturel est de prendre les photos depuis notre point de vue, ainsi,
- dès qu’un sujet est en dessous de notre niveau, nous avons tendance à incliner l’appareil photo vers le bas (plongée) pour le recentrer verticalement dans la photo ;
- et dès qu’un sujet est au-dessus de notre niveau, nous avons tendance à incliner l’appareil photo vers le haut (contre-plongée) pour le recentrer verticalement dans la photo.
Ces deux points de vue ont pour conséquence de rendre convergentes les lignes verticales, en effet :
- les lignes verticales parallèles dans la réalité mais qui ne sont PAS « prises de face » (=pas parallèles au capteur de votre appareil photo), sont convergentes sur votre photo (ce qui se passe en plongée ou contre-plongée).
Crédit : Sorasak
Crédit : Izuddin Helmi Adnan
- en revanche les lignes verticales parallèles entre elles dans la réalité et qui sont « prises de face » (= parallèles au capteur de votre appareil photo), sont bien parallèles sur votre photo.
Crédit : Simone Hutsch
Lignes horizontales et perspective
Un point de vue normal : est un point de vue que l’on adopte naturellement en étant debout, les deux pieds sur le sol. Si l’appareil photo est tenu bien horizontalement (sans inclinaison ni décentrement), alors la ligne d’horizon se place au centre de l’image, la divisant en deux parties égales.
- Si les lignes horizontales dans la réalité fuient en profondeur (= ne sont pas parallèles au capteur) comme une route qui s’enfonce dans un paysage , elles convergent vers un point de fuite situé sur la ligne d’horizon mais pas nécessairement au centre, cela dépend de la direction de la ligne.
Crédit : Paweł L.
- Si les lignes horizontales dans la réalité sont parallèles au capteur (comme un mur vu de face), elles restent parallèles sur la photo.
Crédit : ShonEjai
Un point de vue haut (surélevé) et en plongée c’est-à-dire lorsque l’appareil photo est placé au-dessus du sujet et que l’appareil photo est orienté vers le bas, a plusieurs effets visuels :
- Il détache davantage les plans entre eux et donne l’impression que les éléments du décor sont plus éloignés les uns des autres (car on arrive à mieux apprécier la distance en profondeur qui sépare les éléments).
- Il a tendance à écraser les volumes, notamment en diminuant la hauteur apparente des objets situés au premier plan.
- La ligne d’horizon monte dans le cadre : elle se situe plus haut sur l’image, parfois même hors champ si l’angle de prise de vue est fortement orienté vers le bas.
Et quel est l’effet de ce point de vu en plongée sur les lignes horizontales ?
- Si les elles fuient dans la profondeur (ne sont pas parallèles au capteur), elles convergent toujours vers des points de fuite situés sur la ligne d’horizon. Mais comme la ligne d’horizon est maintenant plus haute dans le cadre les lignes ont l’air de monter vers ces points de fuite élevés, ce qui crée une sensation d’écrasement, comme si les lignes s’aplatissaient ou s’évasaient vers le bas du cadre.
- Si l’appareil est tenu horizontalement, les lignes parallèles au capteur restent parallèles dans l’image. Mais en pratique, on incline souvent l’appareil vers le bas, les lignes horizontales (comme un sol vu d’en haut) peuvent paraître raccourcies (effet de compression) ou devenir trapézoïdales si elles fuient vers les bords de l’image.
Un point de vue bas (surbaissé) et en contre-plongée c’est-à-dire lorsque l’appareil photo est placé en dessous du sujet et que l’appareil photo est orienté vers le haut, a plusieurs effets visuels :
- Il resserre les plans entre eux et donne l’impression que les éléments du décor sont plus proches les uns des autres (car on perçoit moins bien les distances en profondeur qui sépare les éléments), les éléments ont aussi tendance à se chevaucher davantage dans l’image.
- Il accentue les volumes, notamment en augmentant la hauteur apparente des objets situés au premier plan qui se détachent visuellement sur le fond ou le ciel, au-dessus de l’horizon qui est abaissé.
- La ligne d’horizon descend dans le cadre : elle se situe plus bas sur l’image, parfois même hors champ si l’angle de prise de vue est fortement orienté vers le haut ce qui renforce l’effet de contre-plongée et donne souvent plus de présence, de puissance ou de grandeur au sujet.
Et quel est l’effet de ce point de vu en contre-plongée sur les lignes horizontales ?
- Les lignes horizontales qui fuient en profondeur continuent de converger vers la ligne d’horizon. Comme la ligne d’horizon est très basse dans le cadre, voire hors champ, ces lignes semblent descendre vers des points de fuite situés très bas. Cela accentue l’effet de perspective fuyante vers le bas, comme si l’espace s’ouvrait au-dessus du spectateur.
- Si l’appareil est tenu horizontalement, les lignes parallèles au capteur restent parallèles dans l’image. Mais en pratique, on incline souvent l’appareil vers le haut (contre-plongée) : ainsi les lignes horizontales situées au-dessus de l’horizon peuvent alors sembler pencher en arrière ou diverger vers le haut, ce qui renforce l’impression de hauteur ou de monumentalité du sujet.
Comment corriger la perspective de nos prises de vue ?
Pour ça vous avez 2 possibilités :
- utiliser un appareil photo à bascule et décentrement, mais ils sont rares et chers, donc à moins d’être un professionnel spécialisé dans la photographie d’architecture, ça ne vaut pas le coup (enfin surtout le coût !) ;
- le post-traitement.
Le post-traitement reste la manière la plus simple et économique de redresser vos lignes et de corriger votre perspective. Adobe Lightroom a notamment son outil « Transformation » dans le module « Développement » qui dispose de plusieurs curseurs intéressants et fonctionne plutôt bien.
- le curseur « Vertical« permet de corriger l’angle de prise de vue vertical (ce qui nous intéresse pour redresser les lignes verticales) ;
- le curseur « Horizontal » permet de corriger le point de vue circulaire autour du sujet.
Crédit : Fabian Mardi
Bien sûr, ce n’est pas non plus un outil magique, si le bâtiment est trop grand et/ou l’angle trop important, il sera impossible de redresser les lignes. L’appareil photo à bascule et décentrement, bien que plus onéreux, est bien plus puissant pour redresser les lignes comme il effectue la correction de manière optique en direct sur le terrain.
Perspective, déformations et proportions
Ce n’est pas forcément « mal » de prendre des photos depuis un point de vue différent du niveau des yeux. Mais ces points de vue peuvent déformer votre sujet, c’est la déformation par perspective.
La déformation par perspective a pour conséquence de déformer les proportions de votre sujet, c’est-à-dire la taille apparente des éléments les uns par rapport aux autres. Ce qui est en général peu esthétique, notamment en photo de portrait d’humanoïdes ou d’animaux.
Par exemple un sujet pris d’un point de vue en hauteur peut sembler tassé si il est debout. Dans la photo ci-dessous, le haut du sujet semble tassé, les jambes moins car elles sont parallèles au capteur de l’appareil photo et son prises plus dans la longueur (notamment la jambe droite).
» Une déformation par perspective se manifeste de la manière suivante : tous les objets ou parties les plus proches de l’objectif paraissent proportionnellement plus gros que les autres parties ou objets, situés plus loin qui eux, paraissent proportionnellement plus petit. «
Olivier chauvignat – Les secrets de la photo de studio
Les autres sources de déformations
Déformation de la perspective à cause d’une distance de prise de vue trop courte : une prise de vue à moins de 3 mètres de votre sujet entraîne aussi des déformations avec n’importe quel objectif. Ainsi pour éviter ce type de déformation, préférez les prises de vue à 3 mètres minimum d’un sujet.
Déformation à cause de la distorsion « naturelle » des objectifs : tous les objectifs ont une certaine formule de distorsion, qui est plus prononcée sur les bords, et qui va aussi déformer votre image. Pour limiter les déformations dues à la distorsion optique, positionnez votre sujet vers le milieu de l’objectif (donc de la photo). Par ailleurs cette distorsion est plus marquée avec les objectifs courts (moins de 35 mm), que les longs (plus de 50 mm).
Dans l’exemple ci-dessous on combine une vue du dessous en contre-plongée, et une distance de prise de vue à moins de 3 mètres : la déformation du sujet est assurée. Voici une belle illustration de l’effet « gros nez, petites oreilles« .
Crédit : Jan Koetsier
Les déformations, ça peut aussi fonctionner
Comme je vous le disais, les déformations ne sont pas le mal absolu, il faut simplement en être conscient. Il s’agit d’un outil de composition que l’on peut appliquer ou non à ses photos. Le plus important est de savoir le faire ou non, et de choisir de l’appliquer ou non selon notre envie et notre intention photographique.
L’effet « gros nez, petites oreilles » a un rendu comique qui peut bien fonctionner dans les portraits animaliers notamment, comme dans l’exemple ci-dessus.
Une technique qui fonctionne bien en photographie pour conserver les proportions est de prendre ses photos à la hauteur de son sujet (et à une distance de prise de vue de 3 mètres minimum, et en évitant de le mettre sur le bord de l’objectif). On le fait souvent naturellement pour une personne en la photographiant au niveau des yeux.
Mais on peut aussi le faire pour les sujets qui ne sont pas naturellement à notre hauteur comme un chien, un enfant ou encore un escargot !
Ceci a 3 avantages :
- Limiter les déformations sur votre sujet, ce qui le rend plus esthétique.
- Peu de photographes font l’effort de se mettre à la hauteur de leurs sujets, ce qui vous permettra de vous différencier de pas mal de photographes (notamment pour les petits sujets).
- Se mettre à la hauteur d’un sujet permet aussi de le rendre plus reconnaissable et de le voir tel qu’on se le représente habituellement.
En photographie de portrait, et notamment de mode/fashion, il n’est pas rare de voir des photos en légères contre-plongées pour mettre en valeur le sujet (l’inverse est plus rare, car la plongée a tendance à « tasser la silhouette »).
Crédit : Godisable Jacob
Mot de la fin
On arrive à la fin de cet article sur la perspective. Si vous avez 3 choses à retenir de cet article c’est que :
- l’angle de prise de vue est un des paramètres qui influence le point de vue, qui influence lui même la perspective,
- la perspective est une histoire de perception de lignes horizontales et verticales,
- la perspective et la distorsion peuvent entraîner des déformations de vos sujets, et notamment de la perception de la proportions des éléments qui les composent les uns par rapports aux autres (pour simplifier, gardez en tête l’effet « gros nez, petites oreilles »).
Moi je vous laisse ici à votre perspective et je vous dis à bientôt sur les internets MONDIAUX !
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