29 septembre 2024

Pourquoi les grands capteurs sont-ils plus performants en basse lumière ?

Par Gaëtan Berthouly

29 septembre 2024


On entend (ou lit) souvent que les capteurs 24×36 créent moins de bruit, dans les mêmes conditions et pour une même valeur ISO, qu’un capteur APS-C.

Mais pourquoi ? Parce qu’ils sont plus grands ? Car leurs photosites sont plus grands ? Ou autre chose ?

Et ça change quoi d’avoir plus ou moins de photosites ?

C’est ce qu’on va voir ensemble, en avant Guingamp !

Si le bruit vous intéresse, ces deux sujets pourraient aussi vous intéresser :

Quelques petits rappels

Les appareils photos numériques produisent des photos numériques composées de pixels. Un pixel est un petit carré avec une couleur (teinte et saturation) et une luminance (plus ou moins clair ou sombre).

Disons qu’on zoom sur un pixel rouge, il a une teinte de 0°, une saturation de 46 % et une luminance de 64 %.

Teinte, saturation, luminance pixel

J’ai volontairement donner un effet pixellisé à la photo ci-dessous pour faire comprendre qu’une photo est composée de pixels (en vérité ils sont bien plus petits sur une photo qui sort d’un appareil photo)

Schéma d’une photo divisée en pixels

Si on zoomait sur la zone encadrée en rouge, on verrait mieux les pixels.

Pixels zoomés

Et vous pouvez lire par exemple que le Canon 5D II produit des photos de 21,1 MégaPixels (aussi abrégés « MP »). Donc une photo produite par un Canon 5D II est composé de 21 100 000 de pixels.

Et d’un autre côté on a le capteur de votre appareil photo, qui lui est composé de photosites.

Capteur d’un appareil photo
https://unsplash.com/fr/photos/uIF40JqldaI

Les photosites sont des sortes de micro panneaux solaire qui captent la lumière et la « transforme » en électron grâce à l’effet photoélectrique (voir mon article sur le fonctionnement d’un capteur). Donc le capteur transforme la lumière en un courant électrique, et ce courant permettra par la suite d’obtenir une photo pixellisée.

Et, pour faire simple, 1 photosite produit 1 pixel (même si ce n’est pas exactement vrai).

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Taille des photosites

Imaginons deux appareils photo :

  1. Un avec un capteur APS-C mesurant environ 24 x 15 mm, soit une surface de 360 mm² ;
  2. Et l’autre avec un capteur 24×36 mesure 36 x 24 mm, soit une surface de 864 mm².
2 appareils photo fictifs pour notre exemple

Et imaginons qu’ils produisent tous les deux des photos 8 mégapixels, et que leurs capteurs sont donc composés de 8 000 000 de photosites. On considère qu’ils ont le même nombre de photosites car ça facilitera les explications.

On va maintenant calculer la taille des photosites de chaque boîtier en divisant la surface du capteur par le nombre de photosites : surface / nombre des photosites.

En pratique, le calcul du nombre photosites composant un capteur est complexe. Mais dans notre exemple on va supposer que la surface totale du capteur est consacrée aux photosites. Et onn suppose aussi que ces photosites sont utilisés aussi efficacement que possible et que tous les autres facteurs affectant la lumière (distance focale, ouverture, etc.) sont équivalents.

APS-C :

  • 360 mm^2 / 8 000 000 px = 0,000045 mm^2/px [On divise la surface du capteur par le nombre de photosites]
  • 0,000045 mm^2 * (1000 µm / mm) ^2 = 45µm^2 [On convertit en microns carrés]
  • √(45µm^2) = 6,7µm [On passe de 2 dimensions à 1 dimension pour avoir une « $1 »taille« $1 » et non une surface]

24×36 :

  • 864mm^2 / 8,000,000px = 0.000108mm^2/px [On divise la surface du capteur par le nombre de photosites]
  • 0,000108 mm^2 * (1000 µm / mm) ^2 = 108µm^2 [On convertit en microns carrés]
  • √(108µm^2) = 10,4µm [On passe de 2 dimensions à 1 dimension pour avoir une « $1 »taille« $1 » et non une surface]

Ainsi,

  • La taille d’un photosite de notre APS-C est de 6,7µm
  • La taille d’un photosite de notre 24×36 est de 10,4µm

Et donc en terme de taille, notre appareil photo 24×36 a des photosites 1,55 fois plus grands que celui de l’APS-C (10, ,7), soit +55 %.

Cette mesure en micromètre (0,000001 m) à une dimension est un moyen normalisé de décrire la taille d’un photosite, on peut le voir parfois sur certaines fiches techniques.

En anglais on trouve plus facilement ce type d’information qu’en français…

Hors le bruit qui domine dans les hautes et moyennes lumière est le bruit photonique (donc le bruit lié à la lumière). Et plus il y a de lumière, moins il y a de bruit de photons en proportion. Donc, plus il y a de lumière moins il y a de bruit visible.

Evolution du bruit de photons en fonction de la quantité de signal (lumière)

Ainsi, à l’échelle du photosite pure, un photosite plus grand permet de collecter plus de lumière (signal) et donc d’avoir moins de bruit visible.

Voir mon article sur le bruit pour plus de détails.

Surface du capteur

Mais, un photosite n’est pas une barre à une dimension, mais bien une surface en deux dimensions. En effet, les photosites recueillent la lumière sur une surface.

La différence de surface (qu’on a déjà calculé au début) entre un photosite de 24X36 et d’APS-C est encore plus révélatrice : 108µm^2 / 45µm^2 = 2,4.

Donc un appareil photo 24×36 « idéalisé » a un pouvoir de captation de la lumière 2,4 fois supérieur à celui d’un APS-C « idéalisé », soit environ de +1 stop. En effet +1 stop = 2x plus de lumière, et -1 stop = 2x moins de lumière (voir mon article sur les stops)

Alors, c’est le capteur ou le photosite qui impact le bruit

Alors, en effet, comme on l’a vu un photosite plus grand est capable de capturer plus de photons à conditions égales par rapport à un photosite plus petit.

Mais il faut recontextualiser les choses : ce qui nous intéresse c’est l’ensemble de la photo. Un photosite n’est qu’un composant d’un capteur, et un pixel n’est qu’un composant d’une photo. Et nous ne regardons pas des pixels, mais bien une photo dans sa globalité.

Ainsi une comparaison pixel par pixel n’a pas vraiment d’intérêt, comme une comparaison photosite par photosite.

En réalité, la raison pour laquelle un capteur plus grand est plus avantageux pour les prises de vue en basse lumière c’est sa capacité à pouvoir collecter plus de lumière au global.

Dans l’ensemble un capteur plus grand permet de capturer plus de lumière au global (donc de signal). Ce qui permet, à l’échelle de la photo, de réduire le Rapport Bruit / Signal. En proportion, une plus grande quantité de lumière permet de « diluer » le bruit et le rendre ainsi moins visible (comme l’eau dilue le sirop).

En effet, le bruit de photon (=bruit lié à la lumière) est le bruit qui domine dans les hautes et moyennes lumières. Et plus on a de lumière, plus on a de bruit en quantité(comme on peut le voir sur le graphique à droite, le orange représentant le bruit et le bleu représentant le signal).

Mais comme le bruit augmente moins vite que la quantité de lumière capturée : plus il y a de lumière, plus il y a de bruit « dilué » (donc moins visible), le rapport signal/bruit diminue (représenté par la courbe grise à droite).

Graphique et tableau comparant le bruit et le signal par rapport à l’évolution du bruit relatif (ici on s’en fiche des valeurs c’est juste pour voir le principe)

Pour en savoir plus, vous pouvez lire mon article sur le bruit ici.

Ainsi,

capteur plus grand = augmentation du signal global = diminution du rapport signal/bruit = moins de bruit visible

C’est pourquoi les capteurs plus grand permettent d’avoir moins de bruit que les capteurs plus petits, et ont donc de meilleures performances en basse lumière.

Schéma à titre illustratif uniquement

Pour une scène, une perspective et un cadrage donnés, la quantité totale de lumière est déterminée uniquement par

  1. Le diamètre d’ouverture (= distance focale / rapport f)
  2. Et le temps de pose.

Le rôle de la taille du capteur dans la quantité totale de lumière est qu’un capteur plus grand peut absorber plus de lumière avant d’être sursaturé

Le rôle des photosites, du capteur et de l’objectif dans le bruit de photons

Pour en savoir plus sur le bruit de photons, lisez mon article ici. Mais pour résumer : le bruit de photon est celui qui domine dans les hautes et moyennes lumières, dans les basses c’est le bruit de lecture qui domine.

Une bonne façon de visualiser le rôle de l’objectif et du capteur dans le bruit des photons est de penser à la pluie qui tombe sur une surface plane à travers une ouverture

La taille de l’ouverture correspond à la surface d’ouverture de l’objectif, et la durée de la pluie correspond au temps de pose

  • Si la pluie tombe abondamment (=beaucoup de lumière), la surface sera rapidement recouverte d’eau et aura un aspect très lisse (=faible bruit relatif).
Pluie abondante, surface lisse (=photo avec peu de bruit)
  • Imaginons par-contre une pluie beaucoup plus fine (=peu de lumière).  Au début, nous verrons des taches d’eau ici et là, de manière aléatoire et irrégulière (=photo avec du bruit).  Au fur et à mesure que l’eau tombe (=la quantité totale de lumière augmente), soit en laissant passer plus de temps (temps de pose plus long) et/ou en agrandissant l’ouverture (=plus grande surface d’ouverture), le motif devient plus lisse (=moins bruyant).
Pluie fine, taches d’eau (=photo avec du bruit)

Plaçons maintenant un grand nombre de gobelets (=photosites du capteur) couvrant une même zone (=même taille de capteur), pour recueillir l’eau.

  • individuellement, les grands gobelets recueilleront plus d’eau que les petits, et l’eau dans les grands gobelets sera plus uniformément remplie (moins bruyante) que dans les petits gobelets,   c’est pourquoi les photos prises par des capteurs dotés de photosites plus grands semblent moins bruitées que celles prises par des capteurs dotés de photosites plus petits ;
Les gobelets plus grands collectent plus d’eau et affichent moins de bruit de manière individuelle
  • Mais la quantité d’eau dans chaque petits gobelets nous donne une bien meilleure idée de la configuration de la pluie qui est tombée (=résolution plus détaillée).
Les gobelets plus petits donnent plus de précision sur le motif de l’eau (on voit mieux les petites variations de niveau d’eau)

Si la « photo » résultante formée par l’eau dans les gobelets est trop bruyante à notre goût avec les petits gobelets, on a deux solutions :

  • faire du rééchantillonnage (binning), c’est-à-dire remplacer les petits gobelets par des gobelets plus grands et verser l’eau recueillie dans les petits gobelets dans les grands gobelets, afin d’obtenir la même douceur que si nous avions utilisé les grands gobelets depuis le début ;
Rééchantillonnage (binning) sur Adobe Photshop
  • réduire le bruit, c’est-à-dire siphonner l’eau d’un gobelet et de l’ajouter à un gobelet adjacent pour lisser l’apparence de l' »image », cette méthode de lissage conserve davantage de détails du motif original que si les petites tasses étaient simplement versées dans des tasses plus grandes (binning).
Réduction du bruit dans Adobe Lightroom

Remarque : et de la même façon que le rééchantillonnage, si vous imprimez les images à la même taille, le bruit sur l’impression d’une photo issue d’un capteur de 24MP sera beaucoup plus fin et moins visible à la même distance d’observation que l’impression d’une photo issue d’un capteur de 6MP.

Impact du nombre de photosites sur le bruit

Pour rappel, il existe deux sources principales de bruit :

  • le bruit de photon (bruit provenant de la lumière elle-même, plus il y a de lumière, plus le rapport Signal / bruit diminue et donc la photo est moins bruyante). Seul l’EQ (efficacité quantique : la proportion de lumière tombant sur le capteur qui est enregistrée) du capteur affecte le bruit des photons. Pour les capteurs de la même génération, l’EQ est remarquablement constant, indépendamment de la taille du capteur, de la taille des photosites ou de la marque. Il y a bien sûr des exceptions, comme les capteurs utilisant la technologie BSI, mais, dans l’ensemble, elle est remarquablement cohérente.
  • Le bruit électronique de lecture (bruit provenant du capteur et du matériel d’appui). Il peut varier considérablement en fonction d’un grand nombre de variables, notamment le réglage ISO (il est moindre à des réglages ISO plus élevés, et non pas plus élevé) et le nombre de photosites. En général pour deux capteurs de même génération et de même taille, le bruit de lecture par photosite est le même quelle que soit la taille du photosite (au moins pour les ISO les plus élevés), ce qui signifie que les capteurs avec plus de photosites produisent plus de bruit électronique de lecture.

Pour mieux comprendre, imaginons 2 capteurs de même taille, un avec 8 photosites et l’autres avec 4, et supposons qu’ils soient équipés de technologies équivalentes et produisent un bruit de 2 électrons par photosite, on se retrouverait avec un bruit de 16 électrons pour le capteur avec 8 photosites, et 8 électrons pour le capteur avec 4 photosites.

Mais ce bruit électronique est significatif à partir de réglages ISO élevés (par exemple, à plus de 3200 ou 6400 ISO) ou si l’on sous-expose fortement les ombres à l’ISO de base. Par ailleurs, il est à l’échelle de la photo il est négligeable (j’y reviendrai).

Ainsi,

  • dans les hautes et moyennes lumières c’est le bruit de photon qui domine, et non de lecture, donc la taille des photosites n’a pas d’impact ici ;
  • En revanche pour les parties de la photo recevant très peu de lumière (les basses lumières) les capteurs comportant davantage de petits photosites auront tendance à être plus bruyants électroniquement que les capteurs comportant de grands photosites en moindre quantité. Ce phénomène est perceptible à des niveaux de luminosité où on est obligé d’utiliser 3200 ISO ou plus, ou si on sous-expose fortement les ombres à des ISO plus faibles, et ce phénomène occupe une partie de plus en plus importante de la photo au fur et à mesure que l’ISO augmente.
Schéma domination du bruit électronique et du bruit de photons en fonction de la luminosité

Pourquoi le bruit électronique domine dans les ombres : étude de cas

Pour mieux comprendre pourquoi le bruit électronique domine dans les ombres et pourquoi le bruit de photons domine dans les moyennes et hautes lumières on va faire une petite étude de cas.

  • Le D810 a une EQ de 47 %,
  • Le D750 a une EQ de 51 %),
  • Et le D4s a une EQ de 52 %.

Ils ont une EQ presque identiques, donc un bruit photonique équivalent.

Pour le bruit électronique, nous devons le « normaliser » (= comparer pour une même surface de la photo). Utiliser la µphoto (millionième de photo) est pratique pour le calcul (elle représente également un pixel d’une photo affichée à 1200×800 pixels sur un moniteur, ce qui est une taille d’affichage courante pour une photo). Ainsi, une µphoto représente

  • 36 pixels pour le D810,
  • 24 pixels pour le D750,
  • Et 16 pixels pour le D4s.

Le bruit est l’écart type du signal enregistré par rapport au signal moyen, et les écarts types s’additionnent d’une manière particulière appelée somme en quadrature.

« Je n’ai rien compris…  »

Par exemple, si nous avons quatre photosites avec un bruit électronique de 2 électrons/photosite, le bruit combiné n’est pas 2 + 2 + 2 + 2 = 8 électrons, mais √(2² + 2² + 2² +2² ) = 4 électrons.

Ainsi, à 6400 ISO, le bruit électronique / µphoto est de

  • 15,6 électrons pour le D810,
  • 11,8 électrons pour le D750,
  • Et 7,6 électrons pour le D4s.

Examinons maintenant l’importance de ces chiffres en termes de bruit visible sur la photo.

La saturation/µphoto à 6400 ISO est de

  • 28 548 électrons/µphoto pour le D810,
  • 29 040 électrons/µphoto pour le D750,
  • Et 29 472 électrons/µphoto pour le D4s.

Ces valeurs sont presque identiques, c’est normal, car les capteurs ont la même surface.

Le bruit des photons est égale à la racine carrée du signal. Utilisons donc 29 000 électrons comme signal maximal et calculons le bruit des photons (en électrons) à partir de la saturation maximale, en diminuant d’un stop (donc en divisant la lumière par 2 à chaque fois) à partir de la saturation maximale :

  • Saturation maximale : √(29000) = 170
  • -1 stop de lumière : √(29000/2) = 120
  • -2 stops de lumière : √(29000/4) = 85
  • -3 stops de lumière : √(29000/8) = 60
  • -4 stops de lumière : √(29000/16) = 43
  • -5 stops de lumière : √(29000/32) = 30
  • -6 stops de lumière : √(29000/64) = 21
  • -7 stops de lumière : √(29000/128) = 15
  • -8 stops de lumière : √(29000/256) = 11
  • -9 stops de lumière : √(29000/512) = 8

On constate que le bruit électronique est aussi important que le bruit de photon :

  • À -7 stops à partir de la pleine saturation avec le D810 (15),
  • À -8 stops à partir de la pleine saturation avec le D750 (11),
  • Et à -9 stops à partir de la pleine saturation avec le D4s (8).

Bien sûr, le bruit électronique est un facteur important en terme de bruit bien avant qu’il ne soit équivalent au bruit de photon. Mais nous pouvons clairement voir que le bruit électronique est pire pour les capteurs avec plus de photosites (bien qu’on parle ici de 6400 ISO).

À des réglages ISO inférieurs, il faut descendre encore plus en terme de stops avant que le bruit électronique n’entre en ligne de compte (et, inversement, il entre en ligne de compte plus tôt à mesure que l’on monte dans les réglages ISO).

Soyons encore plus précis et calculons le RBS (Rapport Bruit / Signal) en additionnant le bruit photonique et le bruit électronique (en gardant à l’esprit que le bruit photonique et le bruit électronique s’additionnent en quadrature, comme déjà décrit ci-dessus).

RBS du D810 ( 36.3 MP)RBS du D750 (24,1 MP)RBS du D4s (16,2 MP)
Saturation maximale0.6%0.6%1.7%
-1 stop de lumière0.8%0.8%1.7%
-2 stops de lumière1.2%1.2%1.7%
-3 stops de lumière1.7%1.7%1.7%
-4 stops de lumière2.5%2.4%2.4%
-5 stops de lumière3.7%3.6%3.4%
-6 stops de lumière5.8%5,4%5.0%
-7 stops de lumière9.6%8.4%7.4%
-8 stops de lumière16.7%14.0 %11.5%
-9 stops de lumière30.6%24.7%18.9%
RBS de différents boîtier à des expositions différentes

Le bruit électronique ne commence à avoir de l’importance que pour les parties de la photo prises avec une lumière de plus en plus faible.

Et pour les parties très sombres de la photo, ce qui est le cas dans nos exemples (ombres profondes à 6400 ISO) , il y a un net désavantage à avoir plus de photosites en ce qui concerne le bruit.

Et comme déjà vu, on peut compenser le bruit en appliquant une réduction du bruit grâce aux détails supplémentaires capturés par un plus grand nombre de photosites.

Mais , le problème ici est qu’on manque de détails dans les ombres, ce qui signifie que même l’application d’une réduction serait d’une utilité limitée.

Pourquoi plus de photosites peut même permettre d’avoir moins de bruit

Je vous disais plus avant que pour une même taille de capteur et une même technologie, plus de photosites produisait plus de bruit électronique, qui est le bruit qui domine dans les ombres..

Mais en pratique, (pour une même taille de capteurs et une même technologie) les capteurs équipés de photosites plus petits offrent plus d’options entre les détails et le bruit que les capteurs équipés de photosites plus grands.

« Mais comment ça se fait ? »

  • Par grande luminosité, les photosites plus petits capturent plus de détails. Et bien qu’ils soient plus bruyants, ils restent suffisamment « $1 »propres« $1 » pour que les détails supplémentaires contribuent beaucoup plus à la qualité d’image de la photo que le bruit plus important n’enlève de qualité d’image. 
  • Pour les photos, ou les parties photos, créées avec peu de lumière, les capteurs dotés de photosites plus petits permettent d’enregistrer plus de détails. Cette plus grande quantités de détails laisse le choix (par le post-traitement, avec le rééchantillonage et / ou la réduction de bruit) d’avoir soit plus de détails et plus de bruit, soit moins de détails avec moins de bruit.

Mais pour que la réduction du bruit peut faire pencher la balance en faveur du capteur avec plus de photosites il y a 2 conditions :

  1. La scène permet au capteur avec plus de photosites d’enregistrer plus de détails ;
  2. La lumière est suffisante pour que le bruit photonique domine le bruit électronique.

« Mais pourquoi plus de détails profite à la réduction de bruit ? »

En fait, le principe de la réduction du bruit est de lisser la photo pour faire disparaître le bruit. Mais en lissant le bruit, on lisse aussi les détails.

Dans l’exemple ci-dessous (très zoomé), on voit bien que

  • La photo à gauche a plus de détails sur l’éclair et sur le nuage en bas, mais aussi plus de bruit ;
  • Sur la photo à droite quand on applique la réduction de bruit (très poussée ici pour mettre en évidence l’effet), le bruit s’estompe, mais les détails de l’éclair et du nuage en bas aussi.

Ainsi, en fonction de la quantité de détail de la photo, la photo avec le plus grand nombre de photosites peut être traitée pour être à la fin aussi bruyante (voire moins) pour un même niveau de détail que la photo prise avec un plus petit nombre de photosites plus grands. 

Pour que cela marche, on suppose que la mise au point est précise et que le bougé de l’appareil photo est négligeable, il faut aussi tenir compte :

  1. Le piqué de l’objectif ;
  2. Le degré de fermeture de l’objectif (atténuation de la diffraction) ;
  3. Le mouvement dans la scène par rapport au temps de pose (flou de bougé).

Ainsi, en fonction de ces variables, 48 MP, par exemple, se traduira par une résolution jusqu’à deux fois supérieure à celle de 12 MP dans des conditions idéales, ce qui donne à la réduction du bruit une grande marge de manœuvre.

Ce choix (entre avoir plus de détails et plus de bruit ou moins de détails avec moins de bruit) est nécessaire uniquement si nous affichons la photo en assez grand format et/ou si nous la regardons d’assez près pour pouvoir apprécier les détails supplémentaires offerts par un plus grand nombre de pixels.

Généralement, à l’échelle de la photo, nous n’avons pas à faire quoi que ce soit : les photos ont la même apparence, qu’elles proviennent de capteurs dotés de grands ou de petits photosites. Pour les capteurs de la même génération, la qualité de l’image globale est remarquablement cohérente d’une marque à l’autre et pour toute la gamme des tailles de photosites.

Ainsi, pour le bruit de photo (et non de pixel) la taille des photosites ne comptent pas tant que ça, c’est plutôt la taille du capteur (comme déjà vu).

À noter que les nouvelles technologies sont parfois introduites en premier dans les petits capteurs et qu’il arrive que le petit capteur d’une génération donnée présente un avantage important par rapport aux grands capteurs utilisant l’ancienne technologie (par exemple, la technologie BSI dans les smartphones et les appareils compacts). 

En fait, la relation entre la taille des photosites et le bruit, pour une taille de capteur donnée, dépend de  :

  • La manière dont la taille du photosite affecte l’EQ du photosite (la proportion de lumière tombant sur le photosite qui est enregistrée), et donc le bruit de photons
  • L’influence de la taille du photosite sur le bruit électronique (lecture) du photosite (le bruit supplémentaire ajouté par le capteur et le matériel d’appui).

En résumé :

  • On ne peut pas parler de bruit sans tenir compte aussi du détail de l’image ;
  • Il est logique de comparer la netteté et le détail d’images de même taille, il est logique de comparer le bruit d’images de même niveau de détail ;
  • il est absurde de dire qu’une image a moins de bruit qu’une autre, alors qu’elle a également moins de détails, puisque la réduction du bruit peut être appliquée à l’image la plus détaillée pour obtenir une image plus propre au détriment des détails.

D’autres paramètres à prendre en compte

Ce n’est pas seulement la quantité totale de lumière qui tombe sur le capteur (et donc la taille du capteur) qui détermine le bruit de la photo, mais aussi l’efficacité du capteur

Et les principaux facteurs de l’efficacité du capteur sont :

  • L’EQ (efficacité quantique), qui est la proportion de photons tombant sur le capteur qui sont convertis en électrons, la qualité d’image maximale possible est une EQ de 100 %;
  • la matrice de filtres colorés de Bayer (posée devant le capteur), une EQ de 100 % n’enregistrera pas toute la lumière qui arrive sur le capteur pour autant, car le filtre de Bayer (qui n’enregistre qu’une couleur par photosite), ne laissera passer, au mieux, qu’un quart de la lumière rouge et bleue, et la moitié de la lumière verte (étant donné que la plupart de ces filtres sont RVVB), et il y a également le problème de l’absorption de la lumière par le filtre de couleur lui-même, ainsi que la possibilité de laisser passer la lumière de la mauvaise couleur (bruit de couleur) ;
  • Le bruit de lecture (le bruit supplémentaire ajouté par le capteur et le matériel d’appui) ;
  • L’efficacité de la couverture des microlentilles ;
  • l’efficacité de l’amplification du signal (qui dépend du capteur), mais aussi du matériel d’appui, tel que les convertisseurs analogique-numérique (ISO) ;
  • L’effet de bande.

Je parle plus en détail de tout ces paramètres dans mon article sur le bruit.

Remarques et nuances

Pour une même ouverture

La capacité supplémentaire de collecte de lumière des grands capteurs suppose la même ouverture.

Mais, cela n’est pas toujours possible en pratique, car pour conserver le même angle de champ, il faut utiliser un objectif avec une distance focale plus allongée, qui a tendance à avoir des ouvertures maximales plus petites.

Donc, la taille du capteur est très importante si l’objectif nécessaire pour le champ de vision que j’ai choisi n’est pas disponible et d’autant plus s’il est théoriquement impossible à obtenir.

Imaginons qu’on décide de photographier en basse lumière avec un angle de champ « large-normal » :

  • On a besoin d’un objectif 35 mm f/1.4 sur le 24×36, pas de problème, le choix est vaste.
  • Sur APS-C on a besoin d’un objectif 23 mm f/0,92. Théoriquement possible, mais pas d’objectif trouvable en pratique.
  • Sur Micro on a besoin d’un objectif 17 mm f/0,7. Plus difficile en théorie, et introuvable en pratique.
  • Sur un ,7 pouce (Pentax Q), on a besoin d’un objectif 7,5 mm f/0,3. Théoriquement impossible.

Ainsi l’avantage d’un grand capteur est accentué dans le cas où on a besoin d’une grande ouverture que l’on ne peut retrouver que pour des objectifs compatibles avec des 24×36.

Evolution des technologies

Lorsque l’on compare ces choses, il faut comparer des technologies de la même génération. Car peu importe la taille du capteur, les performances évoluent au fil du temps.

Par exemple, in capteur 24×36 de 2015 sera sans doute moins performant en basse lumière qu’un capteur APS-C qui serait fabriqué en 2023. Encore que, on peut trouver des exceptions comme le 7D sortie 3 ans après le 5DII et qui produit pourtant un peu plus de bruit.

Et avec certains appareils photo ultra-compacts on peut même « régresser ». Les nouveaux appareils ont atteint de telles densités de pixels que de nombreux modèles sont plus bruyants que les modèles d’il y a quelques années. Aujourd’hui, on constate souvent un bruit important à l’ISO de base, ce qui n’était pas le cas à l’époque des 5 à 8 MP.

Si on ne tenait pas compte des évolutions technologique, on pourrait se dire qu’un appareil photo assez ancien comme un Canon Pro70 (1998) avecde très gros photosites auraient d’excellents résultats en basse lumière.

Mais il y a eu beaucoup de progrès dans la conception des capteurs depuis cette époque.

Et même si la taille des photosites était potentiellement plus grande sur ces appareils, ils étaient extrêmement primitifs sur le plan technologique par rapport aux capteurs d’aujourd’hui.

  • La taille des photosites était probablement plus petite (4 nm ?) car les photosites avaient de plus grands espaces entre eux, et n’avaient pas de microlentilles.
  • La lecture des CCD était beaucoup plus bruyante, sujette à des stries de lecture, à des débordements de charge dans les cellules voisines, etc.
  • La sensibilité du Pro70 était également beaucoup plus faible, 100-200 ISO en mode « $1 »haute résolution« $1 » et 400 ISO en mode « $1 »basse résolution« $1 ».

Bruit par pixel et bruit par photo

Il est important de faire la distinction entre le bruit par pixel et le bruit par image :

  • Le bruit par pixel dépend fortement de la taille du photosite (à surface équivalente, plus de photosites produiront plus de bruit de lecture) ;
  • Tandis que le bruit par image dépend surtout de la taille du capteur (la taille des photosites n’a qu’une très faible influence dans le rapport bruit/signal global comme déjà vu).

Et comme la plupart des gens regardent et impriment des photos, et non des pixels « zoomés », le bruit par image est beaucoup plus pertinent.

Hors, comme la majorité des photos comportent une majorité de hautes lumières et de moyennes lumières où c’est le bruit de photons qui domine, et qu’un plus grand capteur permet de collecter plus lumière et de diminuer le bruit de photons, c’est donc la taille du capteur qui importe le plus (plutôt que la taille des photosites).

Conclusion

Pour écrire cet article pointu et précis, je me suis basé sur diverses sources :

  • Https ://photo.stackexchange.com/questions/15684/why-are-larger-sensors-better-at-low-light
  • Https ://www.dpreview.com/forums/thread/4112804.
  • Http ://www.josephjamesphotography.com/equivalence/index.htm#noise

En résumé :

  • Pour le bruit au niveau de la photo, c’est la taille du capteur qui compte, la taille des photosites joue un rôle mineur dans le bruit global d’une photo. Un capteur plus grand permet de collecter plus de lumière et donc de réduire le bruit de photons qui domine dans les hautes et moyennes lumières.
  • Pour une même taille de capteur et une technologie similaire, le nombre de photosites, joue un rôle mineur dans le bruit global d’une photo, car nous ne regardons ou n’imprimons pas des pixels (zoomés) mais bien des photos.
  • À un certains niveau de zoom et/ou de distance d’observation, un plus grand nombre de photosites produira plus de bruit dans les zones les moins lumineuses notamment car c’est le bruit électronique de lecture qui domine dans ces zones. Dans les zones bien éclairées, les détails supplémentaires enregistrées compensent le bruit (et/ou peuvent être lissés avec la réduction de bruit), mais dans les zones sombres peu de détails sont enregistrées, ce qui ne permet ni de compenser le bruit avec du détail, ni d’utiliser la réduction du bruit.
  • La perception du bruit est finalement assez subjective (mais dans la réalité, elle réduit la capture de l’information).
  • Il n’est pas simple de comparer techniquement les capteurs entre eux, ils varient souvent en taille, en nombre de photosites et en technologie. Finalement, le mieux est sans doute de regarder de nombreuses photos produites par un boîtier pour se faire sa propre opinion (des sites comme Flickr par exemple). Et aussi de se renseigner sur les forums ou des groupes Facebook pour avoir le ressenti des utilisateurs.

Si le bruit vous intéresse, ces deux sujets pourraient aussi vous intéresser :

  • Comment réduire le bruit numérique ?
  • Qu’est-ce que le bruit numérique ?

Moi je vous laisse ici à vos capteurs, et je vous dis à bientôt sur les internets MONDIAUX !

J’ai aussi une chaîne YouTube !

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